Des histoires sans importances
Le plus difficile c'est moins de les faire écrire que d'arriver à leur faire accepter qu'ils ont quelque chose à écrire. Que ces petits riens qui font les vies, leurs familles sans histoires, ni héroïques, ni sordides, que toutes ces choses qui ne font ni romans d'aventure ni émissions télévisées puissent avoir quelque intérêt. Mais moi, mon grand-père, il a rien fait ! Tant d'années à ne rien faire? Je demande. J'insiste. Et lentement ça vient. L'un. Puis l'autre. Dans ce désordre apparent que nous empruntons à Claude Simon. «Il a 70 ans. Il est arrivé en France en 1980. Avant d’arrivé en France, il a habité en Martinique. Il a résidé dans beaucoup de villes. Il a travaillé en France. Il a été exploité». «Il a 48 ans. Il est storiste. Il est algérien. Il a passé 25 ans de sa vie en Algérie, à Tizi-Ozou. Il va à Alger la capitale pour ensuite voyager en France. Il va chez son frère de Malakoff. Il reste 3 ans chez lui histoire de s’intégrer à la France. Il déménage à Montrouge. Il a 43 ans , Il fait venir toute sa famille qui est resté en Algérie. Il habite à Abizar. Il a 8 frères et sœurs. Il est chef d’une équipe de bucheron.» «Il a 20 ans, il quitte la Tunisie et il va en Corse, il a 25 ans, il va a Nice pour retrouver son frère. Il a travaillé avec son frère dans une petite boulangerie.» «Il a trente cinq ans il quitter la Tunisie pour travailler en France. Il a quarante neuf ans, il a trois enfant, il regarde la télé sur le canapé.» On va faire quoi de tout ça? Je dis que c'est un peu le socle, la terre que l'on laboure à partir de laquelle nos phrases vont pousser. Moisson de vies, de lieux, de couleurs et d'odeurs. On n'en est qu'au commencement.
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